Entrevue: Michel Falardeau

Publié le par Eric Lamiot

Mertownville tome 3 est maintenant sur les tablettes. Avant sa sortie, j’ai osé interrompre son auteur, Michel Falardeau, pour lui demander de nous en parler, et aborder avec lui ses goûts, sa méthode de travail, et bien sur ses projets. C’est avec beaucoup d’humour qu’il a gentiment accepté de se prêter à cette entrevue. Comme cette entrevue date de l’automne dernier, certaines informations ne sont peut être plus à jour.

  

 

E.L. : Tu as reçu un prix à Amiens, en France. Pourrais tu nous donner quelques détails a la fois sur le prix et aussi sur ce que tu en retiens?

M.F. : Le festival de BD d'Amiens fait chaque année un sélection de se qu'ils considèrent être les meilleurs premiers Albums.

Cette année, il y en avait 14 dont mon premier album "Lydia". 

Les juges sont 350 lycéens de 17-18 ans, d'une quinzaine d'école de Haute-Picardie. 

C'est en fait une activité qui se déroule sur quelques mois avec les étudiants; un mois avant le festival ils choisissent leur meilleur album et l'auteur gagnant se voit invité au festival ! 

Ce que j'en retire ? Ben, un prix qui vient du public, c'est toujours un beau prix ! ;-) Et c'est motivant de voir que ma bd, même si elle ne rentre pas dans les grandes coutumes franco-belge, est quand même appréciée là-bas !

 E.L. : Quelle est la réception de Mertownville en Europe? 

 

M.F. : C'est semblable à ici; les critiques sont très bonnes, mais je crois que les gens sont plus surpris en Europe. 

On me parle beaucoup du visuel qui est, selon le lecteur: étrange, manga, "comic book"... enfin plein de qualificatifs qui se contredisent entre eux ! ;) 

Ils ont de la difficulté à cerner mon style... A vrai dire, je me suis jamais dit que je faisait selon une école de dessin particulière... Peut-être parce que je ne suis pas capable (?)... :)

 

 

 

 

 

 

E.L. : A propos de ton style, comment est-ce que Toi, tu le qualifie?

M.F. : Aucune idée... Je ne crois pas que mon dessin ressemble à un style en particulier, comme beaucoup de dessinateurs québécois. 

 

Vu qu'il n'y a pas une grande tradition de bédéistes ici, j'ai l'impression que les influences viennent d'un peu partout; le franco-belge, le manga et le comic-book.

Si je dois le décrire, je dirais : Un dessin spontané où l'emphase est mis sur l'acting, les expression du visage... le design de perso et les vêtements... :) 

 

 

E.L. : Comment s'est passé la genèse de Mertownville?

M.F. : Je viens du domaine du dessin animé traditionnel. Je commençais à avoir une écoeurite de travailler avec de grosses équipe, n'ayant pas un réel contrôle du projet... 

 

La compagnie, après quelques années a eu des difficultés financières et a du fermer son département d'animation. J'ai sauté sur l'occasion pour me lancer, en toute confiance, comme un idiot dans la BD... Ah si je pouvais retourner en arrière... ;-) J'ai fait quelques essaies (2-3), pour finalement pondre Mertownville.

 

 

 

 

 

 

 

E.L. : Retournerais tu vraiment en arrière?

M.F. : Non... ce que j'ai réussi à bâtir dans les 3 dernières années, c'est la plus grande chose que j'ai accomplie jusqu'à maintenant... Je ne voudrais pas revenir en arrière pour rien au monde; j'ai juste envie d'aller plus vers l'avant !

 

 

 

 

E.L. : Question que tous le monde attends: d'ou vient le nom "Mertownville", et d'ou te vient l'idée de cette série?

M.F. : On me pose souvent la question concernant le nom de la série... Une réponse ennuyante...
Je n'ai fait que jouer avec les sonorités et ça a donné Mertownville... 
L'idée découle beaucoup de mes projets précédents qui n'ont pas été publiés... Avant Mertownville, je faisais du strip avec des dessins très naïfs. Ces projets ne trouvant pas preneur, j'ai voulu faire différent. A la base je faisait uniquement dans l'humour absurde et mes personnages étaient pratiquement que des gars.Là j'ai voulu garder l'humour, mais amener plus de profondeur en y ajoutant de la sensibilité, du drame et du suspense.

Donc, Mertownville est né en gros d'un dessin (qui se retrouve dans le bas de la page de garde de gauche du livre) et d'une réflexion qui va comme suit: " et si je faisait une BD avec une fille qui étudierais en Art ? "

 

 

 

 

 

 

 

E.L. : Quelles sont tes références?

M.F. : Je n'ai pas beaucoup de références bd... je suis pas très à jour dans mes lectures... Mes inspirations viennent beaucoup plus du cinéma et des dessins animés, principalement au niveau des façons de raconter une histoire et non des sujets.  

 

 

Du coté cinéma, j'aime beaucoup les films où le personnage principal est le narrateur (fight Club, Orange County, Snatch...)  

 

Pour le dessin animé, c'est l'humour, les idées très éclatées, la folie (Clone-High, Aeon Flux, The MaxX, Downtown...)

 

E.L. : Tu semble préférer les personnages féminins, pourquoi?

M.F. : Un personnage principal peut revenir 400 fois dans une bd... Aussi bien s'arranger pour qu'il soit amusant à dessiner ! ;-)

 

 

 

 

E.L. : En parlant de ton personnage principal, Lydia, elle n’a pas toujours l’air de savoir ou elle va. La savais tu, toi, en commençant l’album?

M.F. : Hehe ! Ok, le moment de confession...

Lorsque j'ai présenté mon démo au maisons d'éditions c'est-à-dire : Les 7 premières pages  du tome 1, j'avais aucun scénario, seulement un plan très vague de ce que pourrais être la série. Assez vague pour dire que ça n'a absolument rien à voir avec ce que la série est présentement... Lorsque les éditions Paquet m’ont signé, j'ai eu comme obligation d'écrire une vraie histoire avec des rebondissement et tout et tout... Ça ne me plaisait pas du tout mais une chance qu'on m'a forcé la main !

Si on regarde comme il faut, on sent une coupure entre ces 7 pages et le reste de l'album, comme si l'intro était une mini histoire... :)
 
E.L. : Pourrais tu nous en parler un peu du tome 3?

M.F. : Un peu... ;)

Bon, l'album passe de 46 à 62 pages pour bien terminer le cycle. Autant on retrouvera l'esprit du tome 1, autant c'est complètement autre chose que les 2 premiers albums... En gros, y'aura plus d'humours, plus de violences, plus de drame... et plus de Raymond !...  

 

 

 

 

 

 

 

C'est plate, mais j'en dis pas plus ! ;)

 

 

 

E.L. : Est-ce toi ou l’éditeur qui a proposé de passer de 46 à 62 pages, et comment ça a été perçu?

M.F. : En fait c'est moi... Lorsque j'ai terminé le premier découpage du tome 3, j'avais tous les éléments qui rentraient dans un 46 pages... A la relecture, ça me donnait l'impression de regarder un film en accéléré. Donc j'ai fait la proposition à Pierre Paquet qui m'a tout de suite répondu :"va pour un 62 pages". Ça m'a permit de faire l'histoire presqu'exactement comme je la voyais... C'est l'album qui est le plus prêt de mon idée de base jusqu'à maintenant... et de loin ! :)

 

 

 

 

 


E.L. : D'après les extraits que tu as confiés, ton style semble avoir évolué. Pourrais tu nous décrire cette évolution?

M.F. : Avec les 2 premiers tomes de Mertownville, je recherchais la bonne technique pour arriver au résultat désiré. Autant au point de vue crayonné, encrage que coloration. Ben, j'pense bien avoir trouvé !

En fait, maintenant, je travail au crayon bleu (un crayon beaucoup utilisé en animation). Je fais mon sketch avec celui-ci pour ensuite mettre le dessin sur une table lumineuse (table d'animation). Je mets une autre feuille par dessus le dessin, la lumière permettant de voir a travers cette feuille, je n'ai qu'à calquer à l'encre pour avoir un dessin sans bavures !...  

 

 

 

En fait, je ne calque pas vraiment, car mes sketchs sont parfois très peu évolués donc je dois créer à l'encre ce qui donne d'étranges résultats parfois... ;)

Sinon, cette évolution viens du fait de dessiner tout le temps...

E.L. : Tu es l’un des rares auteurs (scénariste et dessinateur) québécois à être publié en europe. Si tu avais des conseils à donner à de jeunes auteurs qui voudraient suivre ta voie, quels seraient ils?

M.F. : Hum... La question...

A part travailler et persévérer, j'ai pas vraiment d'autres conseils...

Et quand je parle de persévérer, ça veut pas juste dire mettre beaucoup d'heures de travail. C'est aussi de ne pas lâcher après un refus de projet, après des mauvaise ventes, après des mauvaises critiques... En fait, y'a une grosse part de patience là dedans !...

 

 

 

 

 

 

 

 

E.L. : Utilises tu les gens autour de toi pour créer les personnages, ou sont ils vraiment fictifs?

M.F. : Je n'utilise pas les gens autour de moi à l'exception d'un professeur qui a fait une courte apparition... Lydia me ressemble sur beaucoup de points, mais plus les bd avancent, plus elle se forge sa propre personnalité...

Les autres personnages sont totalement fictifs.
 
E.L. :
 
Lis tu de la bande dessinée, et si oui, quels sont tes coups de coeur récents?

M.F. : la dernière et la seule bd récente que je me souviens avoir lu est: "Ma voisine en maillot" de Jimmy Beaulieu que j'ai adoré !

Sinon je suis constamment dans mes vieux albums dont le nombre de lectures et relectures commence à être exagéré...

E.L. : Quels sont donc ces vieux albums? Fred, si je ne me trompe pas (oui, j’ai lu l’entrevue sur sceneario.com ;-) ), mais les autres ?

M.F. : hum...

Une liste de livres que j'ai aimé :

-Politique étrangère, Lewis Trondheim

-Akira, Ottomo

-Hicksville, Dylan Horrocks

-Paul a un travail d'été, Rabagliatti

-Psycho park, liberty Meadows, de Frank Cho

-Le réducteur de vitesse, Blain

Un peu de tout quoi !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

E.L. : Quels sont tes autres projets?

M.F. : Ah mais c'est quoi ces questions indiscrètes !!? :P

En ce moment, je termine la colo du tome 3 de Mertownville, je fais du design de personnages pour 2 boites de dessin-animé, du scénario pour d'autres dessinateurs et je prépare ma prochaine série. Pour ce qui est du qui, où, quand, comment, quoi...

Peut-être la prochaine fois ;)

Sinon, j'aimerais bien devenir soit une rock star ou astronaute... Y'a encore beaucoup de pour et de contre de chaque coté...

 

 

 

 

 

 

 

 

E.L. : Tu dis que tu scénarise pour d’autres. Est-ce très différent de la faire pour d’autre que de le faire pour soi?

 

M.F. : Oui, je cherche à trouver ce que le dessinateur aimerait faire au lieu de lui imposer mes histoires plus personnelles.

Ça me permet aussi d'explorer de nouveaux univers...

Mais les différences restent plus dans les étapes de travail... Quand on est seul et qu'on contrôle tout, on peut se permettre de sauter des étapes.

Avec un dessinateur, je dois faire un storyboard très poussé accompagné d'une bible d'information de toute sorte (dialogue, éclairage, couleur, conseils pour l'acting...etc) Juste ces 2 choses là, je ne l'ai jamais fait pour moi... Les storyboards de Mertownville sont pratiquement illisibles et fait de façon minimaliste...

 

 

 

 

 

 

E.L. : Aimerais tu répondre à une autre question que je n’aurais pas posée?

M.F. : Oui, "Michel quel est ton animal préféré et pourquoi ?" !! :)

 

 

 

 

 

 

E.L. : Merci beaucoup, Michel, de nous avoir accordé cette entrevue, et nous te souhaitons bonne chance avec tes projets. Si ce n’est pas déjà fait, courrez vite vous procurer le tome 3 de Mertownville.

 

M.F. : Merci !

Le Blogue de Michel Falardeau: http://fnanala.bedeka.org/


 

 

 

 

Publié dans Entrevues

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